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Imago Dalmatiae. Itinerari di viaggio dal Medioevo al Novecento

Budua

"Pour descendre de Cetinjé à Kotor nous avons pris la nouvelle route qui passe par Budva et offre des perspectives étonnantes sur le massif albanais et le lac de Scutari. Il est peu d'endroits où la nature ait conservé autant de fraîcheur naïve, sereine et familière qu'à Budva, petite marine sur une presqu'île, un peu au-delà des Bouches de Kotor. Ses collines douces, une étroite plaine accueil lante comme un jardin, sa jolie plage de sable fin lui font un cadre de grâce paisible. Et pourtant, voyez, comme on ne peut pas se fier aux apparences. Budva conserve la ceinture de ses puissants remparts et, pour faire le tour du chemin de ronde, il faut une autorisation de l'autorité militaire.

Le lion de Saint Marc surmonte la porte principale. Nous entrons. Pas un chien, pas un cheval, pas une carriole dans les ruelles pavées avec soin. Budva renchérit sur Venise et se refuse même non aux chiens. Le silence y règne en maître — non un silence de mort, mais un silence de vie patricienne plutôt — si bien, qu'obéissant à l'ambiance, le visiteur marche à pas suspendus. Les hôtels pour touristes sont à l'extérieur des remparts. Par décret de la Sérénissime, Budva ne devait pas contenir plus de 40 demeures aristocratiques et 20 maisons bourgeoises. Il n'y en a pas beaucoup plus aujourd'hui. A droite et à gauche, nos yeux ne rencontrent que façades vénitiennes bien conservées, terrasses minuscules, petits jardins aériens et quelques vieilles échoppes très propres. Assez souvent une guirlande de vigne tendue d'une fenêtre à celle d'en face met sur la blancheur des pierres une note poétique et chaude, qui parle de l'Orient et de Venise.

A l'église Saint Jean, même liaison de Venise et de la Grèce. Après une madone byzantine, on voit un tableau de l'école de Tiepolo. Il représente la Vierge apparaissant à trois saints; l'un d'eux porte trois sphères qui figurent les trois paroisses de Maini, Pobori et Braïtchi sur les-quelles l'archevêque de Budva étendait sa juridiction à l'époque vénitienne. Enfin, pour achever d'évoquer l'Orient, Budva dresse dans le ciel sans ride un campanile presque aussi effilé qu'un minaret.

Au sortir de la ville, nous avons acheté d'admirable raisin noir qui se vend sur des tréteaux près des remparts; c'est la grande friandise des nombreux baigneurs de la saison. On assure que Budva n'a pas de moustiques. Amis lecteurs, voyez si ce dernier relais sur l'Adriatique yougoslave n'est pas la plus désirable des villégiatures.

Le retour à Kotor, le soir, avec les grandes ombres que déplient sur la mer les montagnes agrandies, est d'une incomparable beauté. N'ajoutons rien à cette vision. Par elle se clôt le chant dalmate de notre périple. Demain nous serons à Corfou. Nous ferons, reconnaissants et comblés, nos adieux au Yougoslavia et au pavillon yougoslave" (pp. 111-113).