Cattaro
"Nous abordons à Kotor, au fond du second sinus. C'est une vraie citadelle, et en même temps la localité la plus importante des Bouches. […]. Deux cathédrales, l'une orthodoxe, l'autre catholique se partagent les 2.500 âmes de Kotor et le culte de Saint-Triphon, patron des Bouches. […].
Lorsque Venise prit Kotor, elle fut assez habile pour laisser à la guide une vie autonome sous le commandement de son chef, l'«Amiral des Bouches», qui, en retour, désignait chaque année, parmi les jeunes marins, un contingent d'Esclavons pour le service de la Sérénissime. On voit encore, à certaines fêtes, les pittoresques costumes de l'«Amiral» et des «Marins bouquois» portés par les membres de la corporation vieille de onze siècles. La fête de Saint-Triphon commence par une danse qu'exécute le corps entier, sur la place de l'église. Puis on se rend à la grand'messe suivie d'une procession qui promène par la ville des bannières et la châsse du saint. Le petit musée du «Corps noble de la marine bouquoise», près de la cathédrale Saint-Triphon, montre de curieux documents sur la vie de la guilde à travers les âges. […].
Les moteurs des autos qui vont nous mener à Cetinjé sont en marche. […]. Deux étudiants tchécoslovaques complètent notre groupe. La route est admirablement construite. Nos compagnons assurent, en outre, que c'est une des plus intéressantes de la Yougoslavie. […]. A la hauteur de l'ancienne frontière monténégrine, au lieudit Kerstac, le regard plane non seulement sur l'ensemble des Bouches, mais sur la haute mer. C'est un panorama marin grandiose en tout temps, certes, mais d'un prestige rehaussé encore sous le ciel d'aujourd'hui, un ciel dépouillé à miracle de toute impurité ou brume, un ciel sans poids, sans âge, sans ride, sans l'immarcescible clarté qui n'est plus de l'Occident, mais déjà de l'Orient" (pp. 96-99).