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Imago Dalmatiae. Itinerari di viaggio dal Medioevo al Novecento

Porto Narenta

“Des lumières apparaissent de l’autre côté de l’eau: ce sont les feux de Metkovich où l’on entre bientôt après avoir traversé la Narenta sur un pont métallique (il y a 161 kilomètres de Spalato à Metkovich, par Makarska: route terrible, pierres, chemin étroit, côtes très dures).

On dit que le séjour de Metkovich est horriblement dangereux pour les étrangers à cause des fièvres de marais. Tant pis, c’est cependant ici que nous coucherons bravement, et puis, si nous attrapons la fièvre, ce sera un souvenir de voyage de plus que nous rapporterons. Il est bon d’ajouter aussi que de Metkovich à Raguse c’est la solitude du désert pendant cent kilomètres, nous n’avons donc pas le choix!

Cette petite ville paludéenne tire son importance de ce qu’elle est le point de jonction entre les navires de l’Adriatique et le petit chemin de fer qui va en Herzégovine et en Bosnie. Nous y logeâmes en l’hôtel Austria, qui tient le milieu entre ce que nous avons coutume d’appeler un hôtel et ce qu’est une auberge indigène dalmate, c’est dire que tout y était douteux. Durant la nuit nous avons été horriblement piqués par des moustiques. On assure que ces insectes sont les plus sûrs véhicules des fièvres paludéennes, donc si celles-ci existent dans ces bas-fonds, comme le prétendent certains esprits timorés, nous sommes certains de subir les conséquences de notre imprudence, au moins un sur les cinq membres de notre caravane aura attrapé un bon accès de fièvre qui nous permettra de faire des études approfondies sur ce fléau. […].

Nous allons partir pour l’étape le plus dure de tout notre voyage [: la route de Metkovich à Raguse]. […]. Toute la population de Metkovich s’est assemblée autour de l’auto pour assister à notre départ. Il y a là un curieux mélange de types et de costumes. Quelques habits européens de fonctionnaires civils, des officiers autrichiens coiffés de leurs tuyaux de poêle obliques, des Dalmates aux vestes rouges flamboyantes et aux microscopiques toques qui ne couvrent que la moitié du crâne et que retient un caoutchouc contournant la protubérance du cervelet, des musulmans avec d'énormes turbans rouges - la Dalmatie est le pays des habits rouges - et de vastes culottes dont le fond pend lamentablement comme un grand sac. […].

Sur le chemin, de vieilles femmes gardent des moutons à laine longue et soyeuse, elles portent quenouille et fuseau et filent en cheminant. Des jeunes filles passent qui ont sur la tête un périlleux équilibre de fardeaux agricoles ou de lourds brocs remplis d’eau. Voici une théorie de paysannes qui s’avancent à notre rencontre: elles ont naturellement un chargement sur le crâne. Celles-ci portent de larges corbeilles de jonc recouvertes d’étoffe; c’est le trousseau d’une fiancée que, suivant une coutume du pays, ses parentes transportent solennellement chez son futur époux. Il paraît qu’on mesure la richesse de l’épousée au nombre et surtout à la grandeur des corbeilles” (pp. 138-142).