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Imago Dalmatiae. Itinerari di viaggio dal Medioevo al Novecento

Ragusa

“Ainsi que la pluspart des métropoles de l’Adriatique, Épidaure fut détruite par les Barbares. Lorsqu’on la rebâtit, on lui donna le nom de Raguse, changé plus tard par les Slaves en celui de Dubrovnik. […]. De même que Spalato, elle eut pour premiers habitants des Illyriens échappés à la ruine de Salone. Dans la suite, sa population s’accrut, s’organisa en État autonome, équipa des flottes, et fit une rude concurrence au commerce de Venise. Singulière issue de la rivalité des deux républiques: elles furent renversées l’une et l’autre par la même main, à peu d’années d’intervalle! Napoléon empereur traita Raguse comme le général Bonaparte avait traité Venise. Il la radia du nombre des États libres. Depuis lors Venise n’a plus été qu’une ville italienne sans grande importance politique, Raguse une ville dalmate de second rang. On ne saurait pourtant oublier qu’il fut un temps où elle compta parmi les reines de la mer. […].

Raguse a été appelée l’Athènes slave, et de fait elle a été dans le passé ce qu’Agram est devenue de nos jours, la ville lettrée, la ville savante des Slaves du Sud. Elle a produit toute une pléiade d’hommes remarquables, mathématiciens comme Boscovitch et Ghetaldi, l’ami de Descartes; historiens comme Banduri; poëtes comme Palmatitch, Giorgetti, Bona, Gundulitch et tant d’autres. Sans doute il n’est sorti de ce milieu aucun de ces chefs-d’œuvre immortels, aucune de ces découvertes merveilleuses qui ont fait époque dans l’histoire de la civilisation générale; parmi ces poëtes et ces savants, on ne cite ni un Newton, ni un Guttenberg, ni un Dante. Ce n’en est pas moins un fait digne de remarque que cette petite ville ait su donner une impulsion féconde aux choses de l’esprit, en un temps où celles-ci étaient si négligées partout ailleurs autour d’elle. Par là Raguse mérite d’occuper un rang à part parmi ces cités de l’Adriatique auxquelles elle donna l’exemple et dont aucune ne la devança, ni ne l’égala jamais dans la carrière de l’intelligence et du savoir.

Toutefois, si elle a brillé longtemps par l’éclat de sa culture littéraire, et si certaines œuvres de ses poëtes, l’Osmanide entre autres et la Christiade, ont joui d’une légitime popularité en Dalmatie, il ne faudrait pas pour cela considérer cette ville comme l’unique, ni même comme le véritable foyer de la poésie jougo-slave. A côté de la tradition classique et académique plus particulièrement représentée par l’école ragusaine, il a existé et il existe encore chez les Slaves du Sud une tradition poétique qui n’a avec sa sœur aucun rapport d’origine ni ancune ressemblance. Cette poésie à la fois héroïque et populaire n’a point pris naissance entre les murs d’une ville, elle est née dans les montagnes, au temps des luttes de l’indépendance” (pp. 93-95).