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Imago Dalmatiae. Itinerari di viaggio dal Medioevo al Novecento

Curzola

“Courzola est une petite Ville dans une Isle de même nom, du ressort de Venise aussi bien que Liesina, & les Anciens l’appellent Corcyra nigra. La maniere dont les Ragusiens l’ont perduë est assez plaisante. Ils étoient broüillez avec les Venitiens, qui ont un écueil appellé S. Marc qui commande la ville de Raguse, avec un petit rocher encore plus prés, qui n’a pas plus de terre-plain qu’il en faut pour les fondemens d’une maison mediocre qu’on y a depuis bâtie. Les Venitiens y envoyerent donc une nuit des gens qui y bâtirent un petit Fort de carton peint couleur de terre, & y porterent quelques canons de bois fabriquez à la hâte. Le matin ces petits Republiquains ayant vû une Citadelle achevée & garnie d’artillerie en si peu de temps, en furent fort allarmez, & demandant à parlementer furent bien aises d’en être quittes pour l’Isle de Courzola qu’ils cederent aux Venitiens en échange de ce méchant rocher. Mais pour l'écueil de S. Marc qu’ils demandoiét, on n’en voulut pas entendre parler. La terre ferme le long de la mer vis-à-vis de cette Isle est encore à eux, & ils y ont de beaux jardins appellez Sabionera. Cependant Courzola est fort utile à la Republique de Venise, parce qu’elle luy sert comme d’Arsenal pour fabriquer & radouber les bâtimens, êtant presque toute couverte de bois de haute fustaye.

Les Sardines & le vin sont ses principaux revenus. Elle a cinq Villages peuplez de 14. à 15. cent ames chacun, mais la Ville n’en a guere plus de mille, & l’enceinte n’a pas plus d’un quart de lieuë. Les murailles ont été bâties par Diocletian, aussi bien que le Dome de S. Marc, qui est au milieu sur une éminence, & auquel toutes les ruës vont aboutir en montant. […]. Les materiaux en sont presque tout de marbre, qui se taille dans l’Isle même à quatre ou cinq milles delà. Il y a peu de maisons qui n’en soient pareillement bâties, mais ils ne prennent pas le soin de le polir. Comme cette Isle est pleine de bois, cela sert d’asile à plusieurs bêtes sauvages. On y void entr’autres un certain animal qu’on me dit être fait comme un chien, mais il a le cry d’un chat ou d’un paon. Si on allume du feu la nuit proche de ces bois, on en entend un grand nombre crier, & entonner une musique enragée: de sorte que ceux qui ne les ont jamais oüis, les prennent pour des gens qui crient. […]. Les Grecs les appellent Zachalia, & les Turcs Tchakal” (pp. 112-115).