Clissa
“Clissa est le lieu que Prolomée appelle Andecrium, & Strabon Andetrinum. Mais cette pierre dont je viens de parler le nomme Andetrium, & ces monumens sont plus certains que les liyres qui ont pû être alteres par les copistes. C’est une Citadelle de grande importance, qui fut prise aux Turcs par les Venitiens sous le commandement de Fusculo Provediteur de Dalmatie. Elle avoit été autrefois à l’Empereur d’Allemagne, & l’on dit qu’une Reine de Hongrie l’avoit fait bâtir. Depuis que le Republique la tient, elle en a fait sauter une partie au devant pour la rendre plus forte & plus aisée à garder. Elle est sur une crete de colline entre deux hautes montagnes, sur le chemin de Turquie en Dalmatie. La sentinelle void tous ceux qui passent, & les oblige à parler. Il n’y a pourtant ni Bastions, ni ouvrages de dehors, mais seulement quelques terrasses, & le roc sert de muraille. L’eau y manque, & le froid y est terrible en hyver. Je m’imagine que c’est une rude penitence pour un Gentilhomme Venitien d’y aller faire pendant deux ans la charge de Provediteur. Il y a deux compagnies d’Infanterie, & la moitié d’une de Cavalerie.
La cause de sa prise fut, outre les vives attaques qu’on y avoit données, une bombe qui tomba sur la Mosquée, pendant que les Turcs étoient à leur devotion, avec l’esperance qu’ils perdirent d’un secours qui fut defait. Ils se rendirent vies & bagues sauves, mais les Morlaques leurs ennemis irreconciliables les attendirent à un passage, & les taillerent tous en pieces de leur propre mouvement. […]. De Spalatro nous passâmes à Liesina en moins de quinze heures” (pp. 108-110).