Verlicca
“Après un court séjour à Sign, nous reprîmes notre voiture pour suivre le chemin de Verlicca, en remontant le cours de la Cettina. Quelques hameaux morlaques apparaissent çà et là sur le rivage boisé et accidenté; l’approche de ces villages est annoncée par une demi-douzaine de grands enfants tout nus qui demandent bruyamment l’aumône.
Dès qu’on s’éloigne des environs de Spalato, le pays change complètement de physionomie. L’élément italien fait place au slave, et le patois vénitien, ce joli gazouillement, qui est au toscan ce que l’andalous est au castillan, est remplacé par l’illyrien sonore et vibrant; tout a un cachet primitif et agreste. Les Morlaques diffèrent peu de leurs voisins les Bosniens par le costume et par les mœurs; ils se coiffent du turban, portent pantalon large et ceinturon en laine, bien garni d’armes. […]. Les Morlaques et les Bosniens sont de race serbe; leurs mœurs sont plus douces que celles des Monténégrins, mais le type est à peu près pareil. […].
Verlicca est un grand villa situé sur la pente d’une montagne; ses rues irrégulières et ses maisons éparses s’adaptent complaisamment aux sinuosités du terrain. Son vieux château, sur le sommet d’un rocher isolé, apparaît comme un seigneur féodal parmi ses vassaux. L’aspect essentiellement morlaque de cet endroit nous inspira de vives inquiétudes à l’égard de notre logement. Mais la cordiale hospitalité du pretore (sous-préfet) ne nous permit pas de chercher un gîte à l’auberge, qui, par parenthèse, jouit d’une réputation détestable (p. 28)”.