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Imago Dalmatiae. Itinerari di viaggio dal Medioevo al Novecento

Traù

"La grande route de Trau longe un côté de la baie et traverse les villages connus par le nom collectif de Castelli, d'une fertilité italienne; les maisons de ces hameaux sont groupées autour d'anciens châteaux bâtis par les grands signeurs du XV siècle, dans le but de protéger les campagnes contre les agressions des Turcs. […].

La ville de Trau couvre une presqu'île qui resserre l'entrée de la baie; elle s'étend jusque sur le rivage opposé, avec lequel elle communique par un pont de près de 140 mètres de longueur. Au milieu, on a établi un pont-levis qui donne accès aux bâtiments; ce serait un bienfait pour le ville si l'on en agrandissait l'ouverture de manière à laisser entrer les bateaux à vapeur; mais quoiqu'il en ait été question, la municipalité est trop peu entreprenante pour exécuter ce projet. Le Dalmate est en général routinier et nonchalant; il déteste les innovations, et, pour réaliser quelques-unes des améliorations dont le pays a tant besoin, il faut absolument la volonté inflexible et les bras puissant du gouvernement. L'état  arriéré où se trouve aujourd'hui la Dalmatie, en comparaison des autres pays de l'Europe, est la conséquence inévitable du caractère national, joint au système égoïste des Vénitiens, qui empêchaient, autant que possible, l'agrandissement de leurs tributaires, dans la crainte qu'un développement trop considérable ne les enhardit au point de se soutraire à la domination de la République. […].

En entrant par la porte de la ville de Trau, un singulier objet attire les regards: un cyprès, touffu et verdoyant, d'environ un mètre de hauteur, sort d'une crevasse imperceptible du mur et étend son feuillage devant le lion de saint Marc, sculpté au-dessus de la porte. L'existence de cet arbre, réellement inexplicable dans un tel endroit, est attribuée, par la voix populaire, à l'intervention miraculeuse de san Giovanni Ursini, évêque de Trau, dans le XI siècle; cette croyance a protégé l'arbuste, et aucune main profane n'oserait couper ses branches bienfaisantes, dont on arrache quelquefois de minces parcelles pour en faire des remèdes.

Les habitants de Trau sont, à juste titre, fiers de leur cathédrale, qui, avec sa belle tour gothique et son portail excessivement orné de sculptures, est regardée comme un beau monument d'architecture moyen âge; l'intérieur se distingue par sa richesse en or, en argent et en bijoux. Le baptistère attenant contient un bas-relief représentant les tentations de saint Jérôme. Cet admirable morceau est sculpté sur une pierre à deux couleurs, originalité qui, savamment exploitée par l'artiste, produit l'effet d'un camée colossal. Une belle frise fait le tour des murs: elle représente des génies (pp. 16-17)".